Collage du street artist Clet, vu Paris 20e en 2022 ©moi

« Qui sème la misère, récolte la colère »

Comme nombre de mes camarades dont certains ne votaient plus depuis des années, j’ai misé au premier tour de la présidentielle sur celui dont la philosophie n’insulte pas mon intelligence, et qui se trouvait le mieux placé pour l’emporter. C’est ce qu’on fait quand on veut gagner. Par ailleurs, tout comme je me méfie des emballages trompeurs, je ne vote pas à la gueule du postulant, quels que soient ses efforts pour paraître séduisant, en usant d’artifices obséquieux pour appâter le chaland. La vie m’a appris que la pureté ne conduisait nulle part, sauf à aimer être seul avec sa vérité ; je suis prête à faire des concessions, tant que cela peut profiter à la majorité des dominés et permettre de faire un pas dans la bonne direction.

Entre les deux tours de l’élection, les petits bourgeois se sont fait des frayeurs, le résultat du premier tour les a mis dans tous leurs états. Ils ont alors déployé tous les moyens en leur possession pour nous mettre la pression : ô rage ! ô désespoir ! Ne déconnez pas avec l’extrême droite ! Ils ont même été choqués de voir la jeunesse prôner l’abstention. Ils se disaient qu’il fallait être sacrément inconséquent et ignorant de l’histoire pour refuser de jouer les castors. Excusez-moi, où étiez-vous ces dernières années ?

À force de poursuivre leurs guerres d’ego pour la survie de leurs chapelles et pour garder leur place au chaud, à force de laisser les gens dans la misère, à force de nous prendre pour des cons, à force de ne pas vouloir nous entendre, à force de jouer les opportunistes, l’issue n’a rien eu d’étonnant. C’est si simple que même un enfant peut le comprendre : les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Il faudrait s’arrêter et prendre le temps de réfléchir. Et avant toute chose, chers donneurs de leçon, il aurait fallu faire front au premier tour. Mais enfin, on sait comment et pourquoi cela s’est passé comme ça.

Te voilà rassuré, le barrage a fonctionné. Grâce à tes petits arrangements partisans, Macron pourra poursuivre son projet de casse sociale et de mise au pas des réfractaires, en mode marche ou crève, tandis que les éditocrates de Bolloré seront libres d’attiser la haine entre la population, et la Le Pen, qui ne fait plus peur à personne, poursuivra son endoctrinement tranquillement, maintenant que l’entreprise médiatique de dédiabolisation a produit ses effets. Je ne compte pas sur toi, bourgeois, pour te coltiner l’éducation populaire sur le terrain.

Tu te dis de gauche, mais tu penses à droite. Si tu es de bonne foi, pétri dans tes certitudes, tu persévères dans le déni. L’union n’est pas assez bien pour toi, tu chipotes, quitte à faire capoter la stratégie proposée. Toi tu t’en fiches, tu ne vis pas avec un RSA. Tu peux bien trouver ma critique injustifiée, penser que tu as bonnes raisons d’agir ainsi, je te prie d’entendre ce que je prends la peine de te dire : nous sommes excédés. Et ça n’est pas rien de le dire.

Entends que plus tes copains et toi poursuivez la même logique, plus on s’approche du mur. Nous serons chaque fois plus nombreux à refuser le barrage, et dans le même temps, le fascisme progressera, ce que la catastrophe climatique n’arrangera pas. À qui la faute, dis-moi ? Écoute, ça va très mal se terminer. Je n’ai que faire des étiquettes que tu te colles, je ne supporte plus de savoir tant de personnes dans la précarité et je suis inquiète pour l’avenir de nos enfants.

À partir de là, c’est simple, débrouille-toi pour que l’union populaire fonctionne. S’il le faut, fais comme nous, avale des couleuvres. Ou alors, casse-croûte bien avec tes copains, mais ne viens pas pleurnicher quand le pire sera arrivé, et ne t’avise pas de venir nous sermonner. Parce qu’il faut juste être déconnecté du réel ou ne penser qu’à ses intérêts court-termistes et particuliers, pour ne pas tout mettre en œuvre, dès à présent, pour que la suite se passe autrement.