Plein le dos n°8, janvier 2020

« L’ouverture d’esprit n’est pas une fracture du crâne »

PIERRE DESPROGES

Tous les hommes, toutes les femmes, tous les enfants du monde sont des artistes en puissance. Chacun de nous porte en lui un génie créateur qui se développerait si il y était encouragé. C’est au potentiel artiste qui sommeille en toi que j’adresse mes propos. Ce sont tes rêves d’enfant que je veux réveiller, c’est avec ta sensibilité profonde que je veux converser.

Est artiste celui pour lequel produire son œuvre est une question dordre existentiel, qui peut l’amener, telle Séraphine de Senlis, à poursuivre sa quête de sens, plutôt qu’à se remplir le ventre. Force est de constater aujourd’hui que nombre de ceux qui se prétendent artistes sont des boutiquiers. C’est pourquoi, et puisque nous en sommes à tout déconstruire, nous devons redéfinir ce qu’est un artiste et ce qu’est l’art. Parce que les mots ne veulent plus rien dire, sinon que le monde élitiste de l’art michetonne avec le monde marchand, qui vend du vide pour du rêve, qui salope ce que l’humanité a créé de plus beau.

Tu te dis artiste et tu te sens injustement visé par mes mots ? Pardonne-moi de te rappeler que critiquer n’est pas condamner. J’affirme un jugement critique pour t’inviter à te questionner avec moi. Tu ne m’as pas attendue pour le faire ? Grand bien te fasse ! Tu doutes de ta légitimité ? C’est parce que tu sais dans quelle absurdité nous sommes embarqués, et c’est parce que tu l’affirmeras, que les choses bougeront. On en revient toujours à l’effet papillon.

Il dépend de chacun de nous de réinvestir le champ, en commençant par choisir les artistes auxquels nous offrons notre admiration, sans plus nous laisser séduire par les apparences trompeuses du monde marchand. En tant que nous sommes tou.te.s des artistes en puissance, c’est aussi à nous qu’il revient de projeter le monde auquel nous aspirons, avec de l’idéal et de l’imagination, en cessant de remettre nos existences dans les mains de fous ou d’inconséquents agis par la loi du plus fort.

C’est habitée par la conviction que tous les hommes sont des artistes, que l’idée m’est venue d’archiver les dessins, les traits d’esprits, les idées que les gilets jaunes ont inscrit sur leurs dos. C’est devenu Plein le dos [1], une initiative collective, artistique, politique et solidaire, dont je parlerai plus tard. Enfin, en tant qu’artiste, ni plus, ni moins que toi, prenant mon rôle au sérieux, et puisque sonne l’heure de la fin du vieux Monde moribond, j’aspire à remettre de l’idéal à l’horizon, en te proposant d’abord de t’émanciper des certitudes avec lesquelles le monde obscène ne cesse de nous abrutir pour maintenir sa domination.

[1] Plein le dos, 365 gilets jaunes, les éditions du Bout de la ville / www.pleinledos.org
Pleinledos

artists

“Open-mindedness is not a skull fracture.”

PIERRE DESPROGES

Every man, every woman, every child in the world is a potential artist. Each one of us carries within him a creative genius which would develop if it were encouraged. I address myself to the potential artist in you. It is your childhood dreams that I want to awake, it is your deep sensitivity that I want to converse with.

Artists are those for whom producing their work is an existential question, which can lead them, like Séraphine de Senlis, to pursue their quest for meaning, rather than fill their stomach. It is clear today that many of those who claim to be artists are shopkeepers. This is why we must redefine what an artist is and what art is[1] since we are in the process of deconstructing everything. Because these words don’t mean anything anymore, except that the elitist world of art is mingling with the commercial world which sells emptiness for dreams, which slaughters what humanity has created of the most beautiful.

You call yourself an artist and you feel unfairly targeted by my words? Forgive me for reminding you that criticizing is not condemning. I’m making a critical judgment to invite you to question yourself with me. You didn’t wait for me to do it? Good for you! You doubt your legitimacy? It is because you know the absurdity in which we are embarked, and it’s because you will assert it, that things will move. It always comes back to the butterfly effect.

It depends on each of us to reinvest the field, starting by choosing the artists to whom we offer our admiration, without letting ourselves be seduced by the deceptive appearances of the commercial world. As we are all potential artists, it’s also up to us to visualise and materialize the world to which we aspire, with the ideal and the imagination, by ceasing to put our existence in the hands of madmen or inconsequential individuals, put into action by the ‘survival of the fittest.

It is inhabited by the conviction that all humans are artists, that the idea came to me to archive the drawings, the strokes of mind, the ideas that the Gilets Jaunes inscribed on their back. It became Plein le dos[2], an artistic, political, collective and solidarity initiative, which I will talk about later. Finally, as an artist, no more, no less than you, and taking my role very seriously, and since it is time for the end of the dying Old World, I aspire to put some ideals back on the horizon, by proposing you first of all to emancipate yourself from the certainties with which the obscene world does not cease to stupefy us in order to maintain its domination.

[1] Annie Le Brun, Ce qui n’a pas de prix, Stock, 2018
[2] www.pleinledos.org

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